3 nouvelles avancées sur les ataxies spino cérébelleuse

3 nouvelles avancées sur les ataxies spino cérébelleuse

Recherche Mis en ligne le 29 août 2014

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Avancées majeures

Plusieurs avancées majeures sur les “ataxies spinocérébelleuses” (ou SCA pour SpinoCerebellar Ataxia), marquent l’actualité scientifique de l’ICM en faisant l’objet de 2 publications dans Brain et d’une 3ème dans The American Journal of Human Genetics.
Maladie neurodégénérative du cervelet se manifestant par des symptômes moteurs spécifiques tels que les troubles de l’équilibre, les SCAs font partie des maladies rares et sont de fait difficiles et complexes à étudier et à comprendre. Les avancées réalisées et mises en lumière dans ces 3 articles, sont le résultat de projets internationaux de grande envergure dans lesquels se sont impliqués les chercheurs de l’ICM. L’une d’entre elles a notamment reposé sur l’analyse de données génétiques sur la plus grande cohorte jamais étudiée dans le domaine des SCAs (1931 patients).
L’investissement dans ces travaux colossaux de Giovanni Stevanin – professeur à l’EPHE et directeur de recherche à l’Inserm dans l’équipe du professeur Alexis Brice à l’ICM – et de tous ses collaborateurs, a été le fruit de 10 années d’efforts, et mettent en évidence l’influence de plusieurs gènes pour expliquer la variabilité clinique entre patients. En outre, ils ont également identifié 2 nouveaux gènes en cause qui ouvrent de nouvelles perspectives de recherches.
Les chercheurs continuent leurs efforts dans le but de mieux caractériser ces pathologies pour mieux les prévenir et les guérir.

Identification de deux nouveaux gènes impliqués dans les SCAs

(Delplanque et al., Brain, 2014) et (Di Gregorio et al., Am J Hum Genet, 2014)
Alexandra Durr (Professeur UPMC, praticien APHP) et Giovanni Stevanin de l’ICM (DR Inserm et Professeur EPHE) et leurs collègues du réseau international SPATAX ont contribué à l’identification de 2 nouveaux gènes dont les mutations sont responsables de formes autosomiques dominantes d’ataxie spinocérébelleuse. Ces maladies neurologiques qui affectent le cervelet, parfois très invalidantes et létales, sont expliquées dans 50% des cas par des mutations dans une trentaine de gènes mais il reste encore beaucoup de cas non expliqués.
Les équipes du réseau SPATAX, notamment à Lille (Pr Bernard Sablonnière), Turin (Dr Alfredo Brusco) et à l’ICM (Pr Giovanni Stevanin) ont recherché les gènes en cause dans 2 grandes familles par une approche combinant la cartographie génétique et le séquençage nouvelle génération de l’exome. Les résultats de ces approches viennent d’être publiés en juillet et aout.
L’un de ces gènes (ELOVL5/SCA38) code pour un enzyme du métabolisme lipidique ouvrant la possibilité d’un diagnostic par dosage des acides gras polyinsaturés dans le plasma des patients. Les mutations de ce gène entrainent l’accumulation de cet enzyme dans le compartiment cellulaire du Golgi.
Le second gène (TMEM240/SCA21) code pour une protéine membranaire abondante au niveau des synapses neuronales mais de rôle inconnu. Les mutations de ce gène sont associées à des phénotypes sévères incluant une atteinte cognitive ou un retard mental d’évolution lente.
La découverte de ces gènes représente un nouvel espoir pour déterminer de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles.

Mise en évidence d’une corrélation

entre l’âge d’apparition des SCAs et la répétition d’une séquence ADN de 3 nucléotides (CAG) dans différents gènes (Tezenas du Montcel et al., Brain, 2014)
Une vaste étude internationale pilotée par l’équipe d’Alexis Brice à l’ICM et notamment par Giovanni Stevanin (chercheur Inserm et Professeur EPHE) et Sophie Tezenas du Montcel (APHP) vient d’être publiée dans le journal BRAIN et l’article a été choisi par l’Éditeur comme article du mois de septembre. Il s’agit de l’étude comparative des données génétiques d’une cohorte de taille record de plus de 1900 patients atteints de SCA, dans l’objectif d’en dégager les caractéristiques moléculaires de la maladie. Ce projet d’envergure s’est concentré sur des patients dont les SCAs sont dues à des mutations par “expansion de trinucléotides” dans les gènes : répétitions d’une séquence ADN de trois nucléotides « CAG » ((CAG)n, codant pour une polyglutamine – voir plus bas « Qu’est-ce que l’Ataxie Spinocérébelleuse » pour plus de détails).
Cette étude internationale (projets EUROSCA et NEUROMICS) associant 12 pays démontre que la taille de l’expansion dans les gènes mutés dans les SCAs n’explique qu’une partie de l’âge de début des symptômes et que les répétitions trinucléotidiques normales dans d’autres gènes participent également à la variance de l’âge d’apparition. Cette découverte est donc un pas supplémentaire dans la compréhension des SCAs et l’identification de tous les gènes qui peuvent moduler la sévérité de la pathologie (âge de début, signes associés, vitesse d’aggravation des signes…) pourraient permettre de mettre en place des stratégies thérapeutiques alternatives visant à ralentir la progression de la maladie.

Qu’est-ce que l’Ataxie Spinocérébelleuse (SCA) :

Les ataxies (du grec ataxiā, signifiant « désordre ») aussi appelées syndromes cérébelleux, sont un ensemble de pathologies neurodégénératives du cervelet et/ou du tronc cérébral affectant spécialement l’équilibre, la marche et les mouvements oculaires. Touchant le cervelet (le “petit cerveau” situé à la base arrière du cerveau), partie du système nerveux central qui assure le maintien de la posture et de l’équilibre et qui coordonne les mouvements volontaires, les ataxies sont des pathologies neuromusculaires qui ne sont pas liées à une déficience physique des muscles mais à une neurodégénérescence du système nerveux cérébelleux ou de ses connections. Ainsi, lorsque le cervelet ne peut plus assurer ses fonctions, les symptômes propres aux ataxies apparaissent et évoluent de manière plus ou moins rapide.
Les ataxies font parties des maladies rares neurogénétiques (maladie du système nerveux qui touche l’ADN) qui peuvent se déclencher chez des sujets de tous âges. Plusieurs types d’ataxies peuvent être distingués selon leur mode de transmission génétique (dominant ou récessif). Les ataxies spinocérébelleuses sont des ataxies cérébelleuses de transmission dominante (il suffit d’être porteur de l’anomalie génétique pour développer la maladie), à la différence des ataxies cérébelleuses de transmission récessive dont la forme la plus fréquente est l’ataxie de Friedreich.
Les ataxies spinocérébelleuses ou SCA (pour SpinoCerebellar Ataxia) touchent 1 à 5 personnes sur 100 000 et apparaissent en moyenne vers l’âge de 35 ans. Elles se manifestent cliniquement et génétiquement de façon très hétérogène. Les chercheurs ont jusque-là identifié une 30aine de gènes différents impliqués dans le développement de la maladie. Les modifications génétiques pathologiques identifiées pour les SCAs sont soit des mutations conventionnelles dans les gènes, soit des mutations par “expansion de trinucléotides” : il s’agit de la variation du nombre de répétitions d’une séquence ADN de trois nucléotides « CAG » répétée n fois ((CAG)n, codant pour une expansion de polyglutamines losqu’elles sont présentes dans des régions codantes de l’ADN). Les chercheurs s’attellent à comprendre le lien entre ces différentes mutations et l’âge d’apparition des symptômes ainsi que la sévérité des SCAs.
Les SCAs partagent de nombreuses similitudes cliniques et physiopathologiques avec deux autres pathologies conjointement étudiées par l’équipe d’Alexis Brice à l’ICM : la maladie de Parkinson (également maladie associée à des symptômes moteurs spécifiques) et les dégénérescences lobaires fronto-temporales qui provoquent des déficits cognitifs et comportementaux (apathie, comportements asociaux…).

 

céré 1IRM cérébrale d’un patient atteint d’ataxie spinocérébelleuse, muté pour le gène ELOVL5. On peut noter l’atrophie du vermis du cervelet alors que le cortex cérébral et le tronc cérébral sont préservés (Figure 2.A extraite de Di Gregorio et al., Am J Hum Genet, 2014).

 

Contact Chercheur à l’ICM :

Giovanni Stevanin, DR INSERM – ICM : AXE maladies neurodégénératives, équipe « bases moléculaires, physiopathologie et traitement des maladies neurodégénératives » – laboratoire de neurogénétique de l’EPHE, Paris, France
Articles scientifiques :
Tezenas du Montcel et al., Modulation of the age at onset in spinocerebellar ataxia by CAG tracts in various genes, Brain (2014) – publié le 26 juin 2014. Lien
Delplanque et al., MEM240 mutations cause spinocerebellar ataxia 21 with mental retardation and severe cognitive impairment. Brain (2014) – publié le 28 juillet 2014. Lien
Di Gregorio et al., ELOVL5 Mutations Cause Spinocerebellar Ataxia 38, The American Journal of Human Genetics (2014) – publié le 24 juillet 2014. Lien

Equipes scientifiques

Equipe « Bases moléculaires, physiopathologie et traitement des maladies neurodégénératives »

Chef d’équipe

Alexis BRICE Chef d’équipe
Le groupe de recherche d’Alexis Brice se concentre sur trois types de maladies neurodégénératives, la maladie de Parkinson, les dégénérescences spino-cérébelleuses (DSC) et les dégénérescences lobaires fronto-temporales(DLFT), qui ont de nombreuses similitudes cliniques et physiopathologiques. Son équipe, qui intègre l’équipe de neurogénétique de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE), développe une approche intégrée de ces maladies, de leurs bases génétiques à leurs mécanismes physiopathologiques. Cela implique des études précliniques et cliniques pour réaliser un pronostic, identifier des biomarqueurs de progression de la maladie et, à terme, développer de nouveaux traitements.

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